Editeur d’art sardinophile situé à Dol-de-Bretagne en Ille-et-Vilaine, Herve Lasseron est un grand pêcheur d’artistes qu’il met en boîte dans les règles de l’art.
La boîte de sardine ne séduit plus seulement les papilles des pique-niqueurs. Ce mets, somme tout des plus simples, paré de ses plus beaux atouts, se hisse au rang d’œuvre d’art. Hervé Lasseron met en valeur son produit fétiche avec un packaging sophistiqué d’exception, illustré par des artistes bretons de renom. Un choix d’édition qui renouvelle notre faculté d’étonnement, remettant en cause les règles canoniques des boîtes de sardines illustrées.
Une passion née au creux de la vague
L’éditeur passionné, d’abord fin cuisinier, naviguait déjà dans un bain artistique bouillonnant. « La sardine c’est ma pâte à modeler. Depuis l’âge de douze ans, j’aide ma mère à faire à manger. Comme elle était éditrice, j’ai croisé beaucoup d’auteurs dans ma jeunesse. Petit, grâce au livre La cuisine est un jeu d’enfants dédicacé par Jean Cocteau et Raymond Oliver, j’ai réalisé mon premier citron farci au beurre de sardines. J’ai ensuite été chef cuisinier dans le milieu du show-biz pour les stars. Aujourd’hui je m’occupe d’une épicerie fine à Dol-de-Bretagne. » Hervé Lasseron s’adonne à son métier d’éditeur avec énergie et même une certaine révolte. « Je ne veux plus entendre parler de boîtes de sardines tristement rangées au fond du placard, je veux qu’elles s’affichent sur les murs ! »
« L’art, est la seule chose qui se conserve » (Gilles Deleuze)
Andy Warhol n’était pas vraiment précurseur avec sa soupe. Très tôt, la petite boîte en fer blanc avait déjà reprit l’imagerie populaire s’inscrivant comme précurseur dans l’histoire de la publicité. « Les conserveries sont devenues rivales et la concurrence effrénée s’est transformée en réclame. Cette industrie a été la toute première à faire de la pub. Benjamin Rabier est né grâce à son dessin de sardine, c’est ensuite la Vache qui Rit qui l’a consacré » poursuit l’éditeur. Sur les traces du discours publicitaire, Hervé Lasseron utilise le style et créé son slogan ; « Pour une santé de fer, exigez la signature Le Sardiniste. »
Ce lien transversal entre la publicité et l’art n’a rien d’une passion indigeste nouvelle vague. Associer la sardine prosaïque à l’image valorisante artistique est un exemple considéré de raffinement et de créativité.
« Je suis collectionneur de boites de sardines du monde entier depuis 25 ans. Forcé de constater que les grands collectionneurs cherchent à tout bout de champ des boîtes signées Gustave Moreau, Benjamin Rabier, Mathurin Méheut…J’ai voulu m’inscrire dans la continuité de ce qu’a été le fleuron de l’industrie française, la première conserverie du monde convoitée par les artistes. » Hervé Lasseron s’inscrit dans une tradition dont la liberté et la richesse se perçoivent. Il explore la qualité du signe pictural, réenchante notre représentation de la boîte de sardines en lui offrant un pouvoir fictionnel d’une dimension narrative très contemporaine.
Le grand saut
Il débute son activité d’édition en mars 2012 avec déjà trente-deux boîtes exclusives imprimées, des séries limitées de 500 à 700 exemplaires par artiste. Peintres, dessinateurs, bédéistes… L’éditeur mise avec élégance sur l’élasticité du concept en multipliant les techniques. Le champ d’expression reste celui du grand bleu. Miss sardine, créature surréaliste fantasmée sirène de Joe le Bouder se confronte aux mouettes fragmentées de Philippe Sidot ou encore au capitaine bienveillant de Pascal Bresson.
Pour ce début d’année 2013, les artistes Alain Margotton, Julie et Bruno de la Morinerie, Armance, Christian Bourgeois Potache et Marc Berthier, peintre officiel de la marine sont également à l’honneur. Plusieurs dizaines d’œuvres d’autres artistes sont en chantier. Autant de forces expressives lisibles et accessibles immédiatement qu’Hervé Lasseron choisit avec tact, proposant une nouvelle mise en scène de ce véritable objet d’art.